Qui aurait cru, il y a tout juste 5 mois, qu'Half-Life, dont un troisième épisode est fantasmé depuis tant d'années par d'innombrables joueurs à travers le monde, reviendrait en 2020 dans une nouvelle aventure intégralement dédiée à la réalité virtuelle ? Et pourtant, Half-Life : Alyx vient de faire son arrivée pour le plus grand plaisir des fans de la saga (du moins ceux équipés d'un casque VR sur PC), mais aussi les passionnés de cette nouvelle façon de vivre des aventures vidéo-ludiques de l'intérieur. Mais en quoi Half-Life : Alyx est-il si singulier nous direz-vous ? Le géant Valve révolutionne-t-il à nouveau le FPS ? La réponse ci-dessous.
En ces temps sombres de confinement de la population, rien de tel qu'une petite balade dans un monde virtuel pour s'aérer la tête, n'est-ce pas ? Si vous êtes un joueur PC équipé d'au moins une carte graphique GeForce GTX 1060 ou équivalente (ainsi que 12 Go de RAM), mais également possesseur d'un casque de réalité virtuelle HTC Vive, Oculus Rift, Windows Mixed Reality ou Valve Index, vous avez peut-être déjà franchi le pas en vous procurant Half-Life : Alyx, disponible en exclusivité sur la plateforme Steam. Par contre, si vous hésitez, laissez-nous vous convaincre. Ce test a été réalisé sur une version commerciale du jeu, post-patch, muni d'un casque HTC Vive Cosmos.
Une histoire canon
L'histoire de Half-Life : Alyx se déroule en 2015, entre les événements contés par Half-Life et Half-Life 2. Le monde que nous connaissons est désormais contrôlé par le Cartel, un empire extra-terrestre impitoyable qui exploite les ressources de la Terre. Nous y incarnons Alyx Vance, une résistante tentant de libérer les humains de cette emprise. Après qu'elle et son père, Eli, eussent été capturés, un autre résistant du nom de Russell participe à l'évasion de miss Vance. Ensemble, ils mettent alors en place un plan de sauvetage afin de porter secours à son cher papa. Ne vous faites pas d'idées, le sauvetage d'Eli n'est qu'un postulat de départ. Car le scénario de Half-Life : Alyx est bien plus riche que ça et l'objectif de l'équipe s'étoffe au fur et à mesure de notre progression.
Si la saga n'a aucun secret pour vous, vous êtes en terrain connu. L'aventure de Alyx s'intègre parfaitement dans la trame scénaristique des épisodes canons et il est agréable de côtoyer comme jamais cet univers ainsi que le lore de Half-Life d'aussi près ! Pour les autres, il est tout à fait possible de vivre et d'apprécier ce périple en totale découverte, notamment parce que l'immersion dans de tels environnements est juste dingue, mais aussi parce qu'il emprunte, s'inspire, rend hommage, fait penser à bien d'autres univers du domaine surnaturel, horreur ou science-fiction que vous avez forcément stocké dans un coin de votre mémoire un jour ou l'autre.
The Last Starship of Dead Space Troopers
Attention, nous ne sommes pas en train de dire que Valve a pompé tous ces univers. Il y a bien plus de chances qu'à l'inverse, ceux-ci se soient inspirés des jeux Half-Life parus dans les années 2000. Imaginez simplement que vous soyez projeté à l'intérieur de ces jeux ou films cultes. Un couloir sombre à la Resident Evil ; une séquence de cache-cache avec un monstre rappelant les claqueurs de The Last of Us ; des arachnides à démembrer façon Dead Space ou le film Starship Troopers en 1997...
Half-Life : Alyx ne se contente pas du strict minimum et balance une pelletée de séquences d'anthologie, allant des gunfights habituels avec le Cartel surarmé, à des passages plus posés tout en exploration, mais surtout, des moments de tension à la limite du supportable. Si vous êtes généralement peureux ou même pris de panique en jouant à un jeu d'horreur traditionnel, Half-Life : Alyx n'est vraiment pas fait pour vous car vous risqueriez de finir en PLS lors de votre rencontre en tête à tête avec... Jeff. Ou peut-être même avant ! Toutes les séquences qu'on vit sont réussies et certaines se payent même le luxe d'intégrer astucieusement, ou plutôt devrait-on dire de façon machiavélique, des énigmes, jusqu'à un final sensationnel qu'il serait un crime de vous dévoiler. Disons-le clairement, la dernière heure de jeu est exactement ce que tout convaincu (du potentiel de la réalité virtuelle) a toujours souhaité. Tant pis, faites faire à un ami les passages trop horrifiques à votre goût, pour que vous puissiez profiter tout de même de ce final détonnant !
Quand l'immersion est bonne... Bonne ! Bonne ! Bonne !
Mais une histoire et des concepts horrifiques, ça ne fait pas tout. Encore faut-il que le sentiment d'immersion soit au rendez-vous, que les contrôles répondent au doigt et à l'oeil, et que le gameplay soit suffisamment intuitif et varié. Aucun problème ici, Half-Life : Alyx réussit (presque) tout ce qu'il entreprend. Il n'a jamais été aussi jouissif de pouvoir saisir n'importe quel élément dans sa main, notamment grâce à un niveau de détails et d'interactions hallucinant. Vous voulez écrire au feutre sur une vitre ? Pas de problème. Effacer avec la paume de votre main ? Donner à manger à la petite bête domestique dans son aquarium ? Donner des gifles aux zombies qui gisent sur le sol ? Dégager un passage en soulevant cet énorme tonneau avec vos deux mains ? Les interactions sont tellement nombreuses qu'il nous est bien sûr impossible de tout dire dans ce test. A noter par ailleurs qu'il est possible d'attraper la plupart des éléments à distance en utilisant les gants antigravité dont nous sommes équipés, d'un simple petit coup de poignet, rendant la progression et la collecte de munitions parfaitement intuitive.
Le sentiment d'immersion est tel qu'on se surprend même à retirer chaque morceau d'une vitre cassée, en raclant notre arme sur le contour, avant de l'enjamber, de peur de s'empaler. Mais ce n'est pas tout, l'aspect sonore a son importance. Celui-ci renforce bien entendu l'immersion avec un positionnement précis des sons dans l'environnement 3D. D'ailleurs, le souci du détail existe également sur cet aspect du jeu ! Il est par exemple possible d'entendre le frottement des habits d'Alyx lorsqu'on tourne sur soi-même. Cela peut paraître anodin dit comme ça, mais c'est typiquement le genre de détail qui renforce l'immersion et donne encore plus le sentiment d'être à l'intérieur du jeu, coupé du monde réel. Vous serez aussi surpris de pouvoir attraper un vieux téléphone fixe qui traîne, et d'entendre le petit bruit de sa cloche lorsque vous le jetterez au sol...
Bon ok, mais est-ce que c'est beau ? C'est tout simplement à tomber par terre ! La modélisation, les textures, les effets de lumière sont absolument fa-bu-leux. Alors oui, vous allez dire que ce n'est pas aussi beau que les derniers jeux traditionnels sur écran plat, mais ce n'est absolument pas comparable puisqu'on est dedans ! Sur TV, impossible d'approcher votre tête d'un élément, de vous pencher pour regarder dans l'angle d'un couloir ou d'attraper un objet de vos propres mains pour le regarder sous toutes les coutures. Incomparable. Graphiquement et compte tenu de l'immersion procurée, c'est du jamais vu. Divers effets de particules, de la brume ou autres nuages de poison s'associent à tout cela, rendant le tout ultra crédible. Les séquences dans le noir sont également très bien rendues grâce à un contraste maîtrisé, à la lumière de la petite lampe torche accrochée au dos de la main libre et qui s'allume automatiquement pendant les phases sombres.
Un contrôle presque parfait ?
Si vous êtes perspicace, vous aurez remarqué la petite parenthèse du mot « presque » dans le chapitre précédent de ce test. Mais quels sont les éléments sur lesquels Half-Life : Alyx échoue véritablement ? Il est très difficile pour quiconque de dénoncer ce qui ne va pas dans une oeuvre qui s'achemine vraisemblablement vers la note maximale tant ses qualités occultent presque intégralement ses défauts majeurs. Half-Life : Alyx a le potentiel pour être un jeu parfait. Mais il ne l'est pas, d'un chouïa ! La faute à certains aspects que d'autres jeux VR ont pourtant accompli avant lui. L'absence de modélisation du corps du joueur et ses habituelles mains qui flottent sont le principal reproche qu'on peut faire au jeu. L'autre problème majeur est l'impossibilité d'effectuer des sauts, nous obligeant ainsi à utiliser la téléportation pour « sauter » par-dessus le vide par exemple. Ainsi, pas de saut mémorable façon Blood & Truth sur PlayStation VR pour passer d'un balcon à un autre. On s'y téléporte simplement avec un zeste de déception.
En termes de contrôles, le jeu propose les habituels choix entre la téléportation et le déplacement fluide intégral, avec rotation angulaire ou complète (depuis le dernier patch). La direction du personnage peut quant à elle être régie par le regard ou par l'orientation de votre main au choix. Il est également possible d'enjamber certains obstacles en poussant les deux joysticks vers l'avant, pratique pour se mettre à l'abris de certains ennemis. Cependant, il n'est pas possible d'escalader manuellement à la manière de The Climb ou plus récemment The Walking Dead : Saints & Sinners, à l'exception des échelles. Celles-ci ne peuvent d'ailleurs pas être descendues à la main et le joueur est donc forcé d'utiliser à nouveau la téléportation pour ce faire.
Attrape-moi si tu peux
Tout comme Gordon avant elle, Alyx est bien badass. Non, que dis-je, NOUS sommes badass, réalité virtuelle oblige. Du « simple » pistolet au fusil mitrailleur en passant par le fusil à pompe transformable en lance-grenades, voici l'arsenal que l'aventure nous propose, grenades en sus. C'est certes peu, mais chacune se recharge différemment en éjectant et manipulant les chargeurs (ou les cartouches), renforçant encore une fois l'immersion mais provoquant aussi parfois la panique lorsqu'il s'agit de recharger tout en étant cerné par des monstres. Les 3 armes peuvent être améliorées dans des établis, grâce à la résine collectée, pour apporter une poignée de nouvelles fonctionnalités à chacune comme la visée laser ou une capacité de chargeurs accrue. Dans ce but, il est d'ailleurs très important voire primordial d'explorer les environnements à la recherche de résine, ouvrir les placards des maisons, les bennes à ordure etc... l'occasion de récupérer au passage les munitions qui traînent.
Bien entendu, qui dit munitions, dit ennemis. Les connaisseurs du bestiaire de Half-Life seront aux anges (ou plutôt en enfer) avec les inévitables crabes de têtes, seuls ou prenant le contrôle d'un cadavre, y compris une nouvelle version plus robuste avec une carapace ; mais aussi les mythiques barnacles. N'avez-vous jamais rêvé de vous faire attraper et dévorer par une de ces bêtes collées au plafond ? Ne répondez pas. Le bestiaire est renforcé par de nouvelles espèces qu'il serait un peu dommage de vous spoiler ici. Notre périple est également l'occasion de rencontrer plusieurs personnages à la modélisation stupéfiante, qui ne sont malheureusement pas doublés en français. Les joueurs ne maîtrisant pas la langue de Shakespeare seront obligés d'utiliser les sous-titres, disponibles en français et fort bien implémentés, malgré la légère perte d'immersion que cela peut engendrer.
Le piratage jusqu'à plus soif
Pour terminer ce test dans lequel il serait bien difficile de tout dire sans vous gâcher plusieurs surprises, il est nécessaire de parler d'un autre élément central du gameplay qui, même s'il est parfaitement bien conçu et inventif, pourrait néanmoins agacer certains joueurs. En plus de nos armes, nous sommes équipés d'un multi-outil permettant de pirater bon nombre de systèmes informatiques. Si certaines "énigmes" de piratage proposent de la réflexion posée, notamment celles qui permettent d'ouvrir les établis, d'autres relèvent plus du jeu d'adresse. C'est le cas de la plupart des armoires du Cartel, qui affichent un hologramme de sphère sur lequel il faut déplacer une lueur d'un point A vers un point B. Un jeu d'enfant aux premiers abords, mais un agacement possible lorsque l'hologramme se complique petit à petit au cours de l'aventure, ajoutant progressivement des pièges ainsi qu'un point C à rejoindre. Heureusement, ces « jeux » d'adresse ne sont pas tous obligatoires, tout au plus permettent-ils de récupérer un ou deux chargeurs de munitions lorsque nécessaire. Des mines peuvent (et parfois doivent) également être piratées pour les désactiver, via un autre « jeu » d'adresse. En outre, le multi-outil permet également de détecter, suivre et dérouter les connexions électriques dans les murs, afin d'alimenter portes et ascenseurs. Il s'agit là de l'utilisation la plus sympathique du multi-outil.
Que ce soit clair, les quelques défauts listés dans ce test sont plutôt insignifiants tant Half-Life : Alyx excelle partout ailleurs. Il s'agit véritablement du jeu AAA qu'attendaient les joueurs de réalité virtuelle, sans aucun doute. Les onze chapitres se parcourent en approximativement 10 à 12 heures de jeu, plus si vous prenez le temps d'interagir avec un maximum d'éléments avant d'avancer. Le grand et long final, particulièrement étonnant et jouissif, vous fera jubiler comme jamais, tout en espérant que Valve continue sur sa lancée. Half-Life est désormais une franchise VR, difficile de faire machine arrière après cet opus magistral à qui il aurait été impossible de donner (vraiment) vie sans la réalité virtuelle.